À l’image de la gnose iranienne qu’il convoque, le motif de l’exil est déterminant dans le travail et le parcours de cet artiste né en Iran, qui a grandi en banlieue parisienne, vécu et travaillé à Paris en tant que compositeur et directeur artistique avant d’entamer un parcours d’artiste visuel, sonore, curateur, éditeur, cinéaste et auteur en Suisse. Plutôt que de mettre l’accent sur la culture d’origine, Mazyar Zarnadar semble davantage habité par la notion de construction de la psyché, plaçant au cœur de son travail la métaphysique, comme boussole de l’esprit. De quelle origine est notre esprit, cette construction de soi bien plus complexe que la provenance physique, territoriale, se demande l’artiste. «Je suis arrivé en France à 2 ans sous le bras de ma mère. Le capital culturel, j’ai dû me battre de manière acharnée chaque jour pour aller le chercher. J’ai toujours vécu entre des identités multiples. Après une série de voyages entre la Suisse, l’Iran et la France, entre 2016 et 2019, j’ai trouvé mes propres clés. J’ai mis la main sur mes fondations spirituelles les plus profondes. Sauf que quand je l’ai énoncé à mon retour, j’ai subi des oppressions systémiques racistes et islamophobes au sein de ma propre famille, ainsi que dans mes réseaux professionnels, associatifs et personnels.» Le retour est conflictuel. Et la lutte contre le racisme systémique qui s’expriment par l’islamophobie a motivé une exposition collective digitale du Centre d’Art Vevey, ouvertement politisée, intitulée AL-LAH. Née en réaction au contexte de l’initiative suisse de l’UDC interdisant la dissimulation du visage, Mazyar Zarnadar y rassemblait de nombreuses et nombreux artistes et chercheur·euse·s pour proposer des pièces et des textes engagés contre le racisme systémique et l’islamophobie, multipliant les points de vue.
Plus intimement, Mazyar Zarnadar décrit des effets d’intrusions suspicieuses et discriminantes de la part d’institutions quant au questionnement spirituel dans son travail. Ou, à l’inverse, des réflexes de tokenisation, des plaquages exotisants sur son identité d’artiste racisé. Cette expérience personnelle nourrit des questionnements sociétaux critiques plus structurels sur la notion d’intégration par le haut. «J’ai toujours dû redoubler d’efforts pour me faire une place. J’ai créé le Centre d’Art Vevey pour me défaire autant que possible de ces injonctions du milieu de l’art qui t’obligent à passer par des files d’attente, des protocoles, en attendant gentiment ton tour.» Pour Mazyar Zarnadar, la question de l’intégration – à l’image de l’éducation – serait plus égalitaire si elle n’était pas si coercitive. À savoir, dans une perspective post-migratoire : «Comment rompre avec une logique pyramidale de privilèges, d’oppressions et de violences systémiques quotidiennes visant les personnes racisées ? Comment donner un accès collectif et égalitaire aux besoins vitaux : le choix de comment se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner, s’éduquer, sociabiliser et travailler pour devenir une subjectivité et un corps autonome dans la société ? Cela me rappelle cette image de l’oiseau qui a passé toute sa vie dans une cage, que l’on m’a enseignée en Iran. Si on lui ouvre la porte, l’oiseau ne va pas sortir. Pourquoi ? Parce qu’il n’a rien connu d’autre, conditionné par son propre enfermement.»