Au cœur des enjeux
de l’inclusion culturelle
Au cœur des enjeux
de l’inclusion culturelle

Au cœur des enjeux de l’inclusion culturelle

 

La politique de l’inclusion culturelle est aujourd’hui une thématique forte. À juste titre. Dans ce domaine, si les réflexions progressent et se structurent, il reste énormément à faire dans l’objectif de donner aux institutions les outils nécessaires pour honorer la mission principale de la culture, celle de rassembler les populations, tous horizons confondus. Afin de cerner pleinement les enjeux des nombreux aspects inclusifs, nous sommes allé·e·s à la rencontre de quelques-un·e·s des acteur·ice·s qui contribuent à faire rayonner Vevey de son foisonnement artistique et culturel. 

Pour commencer, afin de mieux en définir les contours, voici la définition d’inclusion culturelle de l’UNESCO : «Favoriser les lois et les politiques qui garantissent la participation culturelle, l’accès à la culture et le droit de l’exprimer et de l’interpréter. Du point de vue des politiques urbaines, l’inclusion culturelle appelle à mélanger les meilleures pratiques créatives, innovantes, entrepreneuriales et celles visant la résolution des problèmes.» Quant aux défis à relever en matière de culture inclusive, l’énoncé de l’UNESCO précise : «Lutter pour la liberté d’expression culturelle et contre l’intolérance culturelle, religieuse, et la xénophobie.» La langue, qui est un vecteur essentiel d’expression, peut aussi être un défi pour les migrantes et migrants dont la langue maternelle est différente. Ces indices une fois définis et au-delà de la théorie, il reste à explorer de quelles manières ces critères prennent forme sur le terrain.

Vevey, ville aux mille et une facettes

Concrètement, la notion de culture inclusive se trame dans une complexité multiple. A cet égard, Vevey vise à se hisser au rang exemplaire. De par sa population d’environ 20’000 habitant·e·s, la commune au bord de l’eau représente une mixité sociale particulièrement dense. «L’importance de l’inclusion culturelle est fondamentale, déclare Nathalie Chaix, directrice du Musée Jenisch. Je prône un musée ouvert à toutes et tous. Ce qui compte le plus pour moi est de placer le public au cœur du projet. Notre musée est à taille humaine, il s’agit d’un bijou architectural abritant des collections somptueuses. Pourtant, il semble qu’à Vevey, l’ensemble des lieux muséographiques se confrontent à ce sentiment d’illégitimité ressenti par certaines franges ou catégories de publics à franchir la porte d’un musée. Notre mission est de leur dire que c’est un lieu pour eux, pour elles. Un lieu où ils auront du plaisir. C’est vraiment le leitmotiv, cette notion de plaisir, quelles que soient nos caractéristiques socio-culturelles.»

Lorsqu’elle reprend la direction du Théâtre Le Reflet à Vevey il y a huit ans, Brigitte Romanens n’utilise pas le terme d’inclusion, mais plutôt de démocratisation de l’art vivant. «L’inclusion est un travail en cours, mais ce n’est jamais acquis, observe-t-elle. Je suis arrivée dans un théâtre avec un public qui semblait réservé à une certaine élite. Il y avait cette image d’intérêt très bourgeois d’un théâtre réservé aux personnes qui ont de l’argent, il est vrai que les tarifs étaient assez élevés. J’ai décidé de développer l’accès au théâtre à toutes et tous.» Cette mue ne s’est pas faite en deux jours: «C’est un travail de longue haleine, précise-t-elle. L’économie repose sur une tarification qui ne donne pas la possibilité de tarifs étudiants ou aux personnes avec peu de moyens. C’est une avancée pas à pas, il faut aller voir les subventionnaires, faire appel à des fonds privés.»

Une culture ouverte et sans barrières

«La participation culturelle n’est pas un luxe mais un droit citoyen», derrière ce slogan se profile la mission du label «Culture inclusive» élaboré par Pro Infirmis. Dans sa narration, l’organisation précise que les offres culturelles doivent être accessibles pour les personnes en situation de handicap. Faisant montre d’un engagement pour une culture ouverte et sans barrières, le label est attribué aux institutions œuvrant pour une inclusion globale de cette population particulière. Il encourage l’accessibilité, la participation active à la culture et un esprit d’ouverture. Beaucoup d’institutions en ayant saisi l’importance se positionnent en pionnières d’une culture sans obstacles. Depuis 2014, le service «Culture inclusive» accompagne ces institutions dans leurs démarches. Les personnes en situation de handicap ont le droit de participer sur un pied d’égalité à la vie culturelle, ce principe est inscrit à l’article 30 de la Convention de l’ONU. Trois aspects sont déterminants: les personnes en situation de handicap comme public, comme employés des institutions culturelles et comme artistes.

«Nous sommes le premier théâtre en Suisse romande affichant le label «Culture inclusive», quelques musées l’avaient déjà avant nous», explique Melody Pointet, chargée de la communication et de la médiation culturelle au Théâtre du Reflet. Elle poursuit: «Des objectifs propres à chaque institution sont fixés sur cinq critères concernant l’accès au contenu, l’accès architectural, les offres d’emploi et la communication. Un certain nombre d’actions est ensuite défini afin d’être mis en place.» A cet effet, le Théâtre du Reflet a développé un partenariat avec l’association Ecoute Voir pour aider à la mise en œuvre d’audiodescriptions, de surtitrages et de spectacles traduits en langue des signes. «Nous nous engageons à programmer au moins trois mesures d’accessibilité différentes pour chaque saison théâtrale, précise Melody Pointet. En essayant d’en faire un maximum. Par exemple, nous avons trois spectacles surtitrés programmés pendant notre saison 2020-2021.» Quant à la fréquentation des spectacles par les publics en situation de handicap, la chargée de médiation rappelle que l’objectif est ailleurs : «Nous privilégions la qualité de l’accueil avant tout. Quand nous organisons une traduction en langue des signes d’un spectacle, nous sommes prêt·e·s à l’idée qu’il n’y ait qu’une seule personne sourde dans la salle qui bénéficie de la mesure. L’important, c’est que cette personne se sente accueillie et bienvenue au théâtre. C’est aussi une belle façon de sensibiliser autour de ce handicap invisible».

Accessibilité aux personnes en situation de handicap

Du point de vue de la mobilité, la plupart des institutions appliquent des mesures d’accessibilité, quitte pour cela à opérer quelques transformations des lieux. Cette thématique, Sara Terrier, médiatrice culturelle au Musée Jenisch, la connaît bien et met un point d’honneur à contribuer au développement des principes allant dans ce sens. «J’ai participé au label «Culture inclusive», qui est sorti de sa phase pilote en 2019. Cela doit s’ancrer et devenir incontournable. Grâce au service, des formations ont été proposées pour que les personnes en situation de handicap, les associations et les médiateurs culturels se rencontrent et échangent. Dans ce cadre, j’ai assisté à une visite guidée avec une personne malvoyante il y a deux ans, nous testions avec elle différents aspects du parcours. Cette expérience a totalement changé ma perception.»

De son côté, le Théâtre du Reflet a augmenté le nombre de places disponibles pour les fauteuils roulants. Toutefois, le véritable enjeu se situe au niveau de la programmation de personnes en situation de handicap: «Il s’agit du point le plus sensible et c’est une question fondamentale car ces personnes-là sont parfois aussi des artistes. Le spectacle programmé en novembre «Dévaste-Moi» de la comédienne et autrice sourde Emmanuelle Laborit est intégralement en langue des signes, c’est un échange incroyable», se réjouit Melody Pointet.

Une offre riche et à l'unisson

La rencontre entre les différents acteurs culturels en vue de partenariats est un des leviers principaux pour encourager ce type de développement. «Je suis en train d’organiser avec la Ville de Vevey une formation en commun sur le français facile à lire et à comprendre, le FALC, qui est un français simplifié à l’écrit pour toucher des personnes qui ne sont pas de langue maternelle française ou qui ont des singularités intellectuelles et auraient de la peine à comprendre des notions plus complexes, lyriques ou métaphoriques, révèle la responsable de la communication du Théâtre du Reflet. Nous y réfléchissons avec d’autres institutions. En tant qu’institution labellisée culture inclusive, nous essayons d’être proactifs.» Le Musée Jenisch a mis au point une visite guidée audio sur smartphone qui servira aux personnes malvoyantes, mais pas uniquement. «Nous espérons dans un deuxième temps adapter les textes en français facile à lire et à comprendre en s’inspirant de cette méthodologie-là, pour ensuite en faire des supports s’adressant à des personnes en situation de handicap mental, explique Sara Terrier. Ces textes seraient disponibles imprimés, mais nous pourrions également les enregistrer.»

Crédits

Photo d’en-tête : Julien Gremaud
Couverture de la Charte de l’inclusion culturelle : Pro Infirmis | Figurines et texte : Heinz Lauener | Photo : Ruben Hollinger  
Photo Le Reflet : Julien Gremaud
Couverture du programme du Musée Jenisch 2021 : Jean Crotti, Musée Jenisch Vevey | Photo Julien Gremaud
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